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L’emploi informel en Tunisie



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Le secteur informel fait vivre des millions de Tunisiens et apporte un PIB conséquent au pays. Il touche tous les secteurs économiques en passant par le métier de marchands sur étalages, réparateurs d’équipement électroménagers ou informatiques jusqu’aux travailleurs à domicile, cultivateurs, employés de maison etc. Ces professionnels se caractérisent par leur niveau d’éducation et l’échelle restreinte de leurs activités ainsi que le non-obéissance à la législation fiscale comme le paiement des impôts et l’absence d’une comptabilité.

A cause du marché de travail peu fourni dans le pays, beaucoup de ménages sont sans emploi fixe et doivent trouver des moyens de survie. Bon nombre d’entre eux occupent ainsi des emplois dans le secteur informel comme les menuisiers, les maçons, les soudeurs, les tisserands, les coiffeurs… Les revenus de ces emplois rémunérés à la tâche sont généralement plus faibles que ceux du secteur formel, sauf pour certaines activités intellectuelles où ils sont plus élevés. Parmi ces antidotes contre la précarité sociale, on peut citer en exemple le cas d’une vendeuse de pâtisseries faites maison, appelée Saïda, qui livre les commandes auprès d’un grand nombre de petits commerçants. D’autres font la contrebande de l’essence aux taxis collectifs, ou la contrebande des produits alimentaires, de tabac et marchandises contrefaçons introduits illicitement ou légalement dans le pays.La plupart de ces personnes travaillant dans l’informel habitent en zone rurale, là où le taux de pauvreté est plus élevé.Ils doivent s’adapter à la diversité des situations et à leur faible niveau d’éducation pour pouvoir survivre. La majorité de ces trafics sont réalisés autour de Sfax, Bizerte et Sousse. Les régions de Ben Guerdane et Kasserine sont également touchées par ce phénomène. Les marchands illégaux qui vendent des marchandises à la sauvette ont aussi gagné du terrain autour de Sidi Bouziz. Ce statut implique une absence de protection sociale, de droit de travail et une obligation de devoir travailler toute sa vie pour pouvoir percevoir une retraite. Les travailleurs dans le secteur informel se caractérisent également par leur difficulté à accéder aux crédits bancaires, l’instabilité de leurs revenus et leur changement d’activité. Ainsi, on en retrouve des gens qui changent de région pour finir le travail de menuisier ou de peintre d’ un bâtiment et rentrent chez eux à la fin des travaux.

En fait, le secteur informel se répartit en 3 activités : premièrement, il y a les petites entreprises de moins de 10 salariés qui ne paient pas de cotisations fiscales. Elles ont généralement pignon sur rue. On en compte environ 490 000 parmi les 520 000 micro-entreprises dans le secteur informel. On retrouve également les prestataires de service à domicile comme les fabricants de pâtisseries, les artisans brodeuses, les dépanneurs et réparateurs des télés, appareils informatiques qu’on appelle à domicile etc. Enfin, il y a également la contrebande des vendeurs clandestins des marchandises prohibées ou des marchandises qui ne paient pas de taxes douanières. Ces travailleurs récupèrent leurs produits dans les ports ou dans les frontières. Une partie d’entre eux risque de basculer dans le circuit de terrorisme ou du terrorisme avec la tolérance de l’Etat.

A noter qu’avec l’incapacité du gouvernement à résorber le chômage, les diplômés chômeurs sont également concernés par le travail informel. Comme chaque année, il y a des centaines de milliers de sortants universitaires que le secteur public et le secteur privé peinent à embaucher, certains d’entre eux décident d’ouvrir les micro-entreprises non déclarées qui leur permettent à un moment donné d’entrer dans le secteur formel. La plupart de ces PME sont des sortants universitaires dans le domaine du TIC. Certains ont monté une structure de création de logiciels pour les entreprises étrangères en télétravail. Lorsqu’ils trouvent une clientèle stable, ils peuvent grandir leur structure et régulariser leur situation fiscale.

Le manque d’opportunités, d’éducation et d’infrastructure favorise le développement du secteur informel en Tunisie. D’un côté, l’Etat a du pain sur la planche avec la corruption, les problèmes de caisses, la sécurité sociale, le chômage etc. qu’il est obligé de laisser échapper sans contrôle l’exercice dans le secteur informel. De plus, le gouvernement risque aussi le tollé de la population du moment qu’on leur arrache leur pain alors qu’on ne leur propose pas un autre travail de remplacement. Du moment que l’Etat n’arrive pas à intégrer tous ces travailleurs, il se réfugie ainsi dans un comportement laxiste.

Le secteur informel permet ainsi d’amortir la crise sociale et ce phénomène est omniprésent dans les pays sous-développés ou en voie de développement.Selon l’Organisation International de travail (OIT), l’emploi informel atteint des taux élevés de 85, 8 % en Afrique contre 10 % de l’emploi total en France. En 2018, l’OIT indique que 76 % des emplois dans le continent ne sont soumis à aucune imposition sur le revenu et ne bénéficie d’aucune protection sociale.

Selon les chiffres, les moins diplômés ont tendance à évoluer vers le travail informel. Ils ont en général moins de 30 ans et plus de 55 ans. Les statistiques indiquent que la plupart des tranches d’âge entre 31 à 54 ans sont des travailleurs dans le secteur structuré.Avant la révolution de 2011, ce secteur accapare 30 % du PIB contre 53 % en 2017 et le chiffre augmente encore en 2018. Pour info, les travailleurs dans le secteur informel en Tunisie atteignent le chiffre 1,092 000 million l’année dernière. Ce qui représente40 % de l’économie nationale. Or, selon le ministre des affaires sociales, ces travailleurs peuvent apporter plus de 500 millions de dinars par an aux caisses sociales.

Le secteur informel et la contrebande constitue donc un manque à gagner pour l’économie de l’Etat dans la fourchette de 70 milliards de dinars pour l’année 2016. Ces travailleurs sont de véritables casse-tête au gouvernement car primo, l’Etat ne peut pas les forcer à entrer dans l’ordre vu les conditions socio-économiques actuelles du pays. Or, ils ne payent pas de cotisation fiscale. De plus, il y a aussi le commerce transfrontalier et de contrebande qui brasse des milliards et qui échappe à toute surveillance.

Pour lutter contre ce phénomène, l’UTICA a proposé des mesures permettant d’étouffer le développement de ce secteur informel. Parmi ces propositions, on peut citer le renforcement de la douane, l’instauration d’un plafond en paiement en espèces, la minimisation de la taille du secteur informel, la surveillance électronique sur les produits bénéficiant de subventions, la lutte contre la corruption et la maîtrise de la masse monétaire en monnaie locale et en devises étrangères.

De son côté, l’Etat devrait aussi mener des actions permettant de lutter contre le chômage, source du développement de l’emploi informel. L’absence d’une stratégie claire de développement de la part des autorités conduit plusieurs personnes à compter sur eux-mêmes et à se réfugier dans l’emploi informel.

Par ailleurs, il faut soutenir aussi l’initiative des associations comme TAAMS (association tunisienne de gestion et stabilité sociale). Cette association propose de formation sur le développement de petites activités, le CNAM, le droit de travail, la CNSS dans la lutte contre l’informalité. Son objectif est d’accompagner les jeunes entrepreneurs dans la conversion vers le secteur formel tout en contribuant à la création d’emplois stables pour les jeunes.

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