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Travailler dans le privé ou l’étatique en Tunisie



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L’insertion professionnelle des diplômés tunisiens fait partie des problèmes socio-économiques majeurs à résoudre pour la Tunisie. Le pays possède en effet un système éducatif assez performant et produit un nombre important d’élites intellectuelles. La plupart de ces diplômés universitaires aspirent à une embauche dans la fonction publique et préfèrent attendre leur chance plutôt que de travailler dans le privé. Toutefois, comme nous allons voir dans cet article, ces deux statuts ont chacun leur avantages et inconvénients.

Le secteur privé constitue un acteur de développement non négligeable face aux nouveaux enjeux du marché du travail et à la saturation du secteur public. Mais le problème, c’est que ce secteur ne peut embaucher qu’un petit nombre de diplômés tunisiens. En effet, le recrutement dans les structures privées concerne notamment une main-d’œuvre peu qualifiée, des offres adaptées aux besoins des secteurs productifs. Or le système éducatif du pays, la démocratisation de l’éducation et l’accès aux diplômes supérieurs favorisent la qualité de la formation. Ce qui a permis de produire le trop plein de diplômés chômeurs sur le marché.

Pour atténuer ce problème de chômage intellectuel, le cadre légal interdit les enseignants dans la fonction publique en exercice à offrir leur prestation dans les écoles privées à partir de cette année scolaire 2018-2019. Cette mesure vise à permettre aux diplômés chômeurs d’avoir des expériences professionnelles dans le secteur privé. Pour ce faire, le ministère a fait une convention avec le syndicat des propriétaires des écoles et institutions privés afin qu’ils permettent aux diplômés de travailler dans leur établissement. Ce qui permet à ces derniers d’avoir un contrat élaboré avec le ministère de l’éducation.

La définition d’une politique d’aide à l’insertion dans la fonction publique remonte en 1985. Au cours des années avant 2011, l’Etat recrutait en moyenne 7500 fonctionnaires par an. Pendant les années post -révolution 2011 à 2013, le taux de recrutement dans l’administration publique affichait une explosion avec un chiffre de 22 000 recrutés par an. Le plus grand nombre des fonctionnaires recrutés sont dans les ministères de l’Education, de santé et de l’agriculture. Certains d’entre eux comme les martyrs de la révolution n’ont pas fait de concours. Suite à la recommandation de la FMI sur la réduction du nombre de fonctionnaires du secteur public tunisien qui fait partie des plus élevées du monde, l’Etat a presque stoppé l’embauche à partir de 2014. En effet, la masse salariale de l’administration publique atteint 800 milles employés alors que 300 000 suffisent pour faire tourner l’administration. De plus, 70 % des dépenses étatiques vont aux salaires de fonctionnaires. C’est la raison pour laquelle l’Etat offre 2 ans de salaire aux personnes qui souhaitent prendre leur retraite avant 55 ans tout en leur permettant d’obtenir un crédit bancaire pour concrétiser un projet.

Quoi qu’il en soit, le travail dans la fonction publique attire de nombreux diplômés à cause de la stabilité de l’emploi. Selon une étude réalisée par Sigma conseil auprès des Tunisiens chômeurs, 66 % souhaitent travailler dans le secteur public s’ils ont à choisir entre la fonction publique et le secteur privé. La majorité de ceux qui souhaitent travailler dans ce secteur sont des jeunes. Le centre-nord de la Tunisie possède le taux le plus élevé des personnes enquêtées qui préfèrent travailler dans l’étatique. Et la gent féminine est la plus intéressée par le statut de fonctionnaire. 60% des personnes enquêtées considèrent aussi que le rôle de l’Etat est satisfaisant. Pour les 39 % sondées, elles trouvent que les masses salariales de fonctionnaires disposent de moins en moins de compétences. Outre la lourdeur administrative qui caractérise ce secteur, la mode d’organisation, la gestion des établissements et entreprises étatiques sont aussi remises en cause.

En effet, les entreprises publiques tenaient auparavant le monopole sur plusieurs branches dynamiques comme le transport, la poste et télécommunication… De plus, son champ d’intervention s’étendait aussi sur plusieurs domaines comme la culture, la santé, la protection sociale. Il y avait alors très peu de branches où on peut retrouver ensemble les structures privées et étatiques outre le tourisme. Mais les investisseurs privés dans ce secteur touristique ont réussi à pérenniser leur structure grâce à la prise en charge financière de de l’Etat et leur bonne capacité de gestion.

En ce qui concerne l’image d’un fonctionnaire étatique par rapport à un salarié privé, il a perdu aussi son éclat. Effectivement, il fut un temps où le poste stable d’un agent titularisé dans la fonction publique est beaucoup plus convoité que celui d’un l’employé du secteur privé, malgré les différences de revenus. Mais aujourd’hui,un certain nombre de personnes trouve ces valeurs sociales périmées et préfèrent gagner plus d’argent auprès d’une entreprise privée.Cela est dû en partie au lourd endettement de l’Etat, à l’absence de l’autofinancement mais aussi à l’incapacité des entreprises publiques à s’adapter aux innovations et à la compétitivité. Il faut aussi signaler que les structures publiques ne visent pas principalement à la rentabilité mais à la continuité de leur fonction. Ce qui n’est pas le cas pour les structures privées qui doivent s’efforcer pour améliorer leurs prestations, la qualité de leur service, leur capacité d’écoute et de satisfaction clients.

Ainsi, malgré le monopole détenu par le secteur public sur plusieurs domaines, la défaillance de paiement des factures et la mauvaise gestion de trésorerie affectent la croissance de l’entreprise étatique. Certes, la réforme dépend du régime en place et non pas de la structure déficitaire. Toutefois, la réduction de la masse des fonctionnaires publiques s’avère indispensable dans un grand nombre de pays pour éviter le lourd déficit budgétaire. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Etat a nourri l’intention de privatiser un certain nombre de structures étatiques pour alléger le déficit budgétaire.

Si les préoccupations du secteur privé tournent autour de la montée en gamme de ses produits et la compétitivité, la fonction publique, elle aurait encore à trouver des moyens pour éponger de ses dettes. La privatisation revient toujours au cœur des débats politiques et sociaux, la cession des entreprises déficitaires peut être aussi une solution intéressante pour réduire le taux d’endettement de l’administration publique.

Dans tous les cas, on est forcé de constater que le cadre dans le secteur privé, par exemple, un médecin dans un hôpital privé, perçoit un salaire plus élevé qu’un cadre dans un hôpital d’Etat. Les fonctionnaires de tous les secteurs ne peuvent pas fermer les yeux à cette amère réalité. D’ailleurs, c’est peut-être pour cette raison que dans certains hôpitaux publics, il est impossible de joindre un médecin spécialiste pendant une semaine. Un autre exemple, un PDG d’une banque étatique perçoit 2300 dinars par mois contre le quadruple ou le quintuple pour le haut cadre d’une banque privée. Cet écart s’explique par le profit généré par le cadre dans le secteur privé alors que dans le secteur étatique, les fonctionnaires ont seulement à se tenir à leur grille salariale.

Cependant, ces fonctionnaires bénéficient d’un emploi stable qui leur permet de percevoir la pension de retraite. Enfin, pour réduire l’écart de revenus, l’Etat a décrété aussi la hausse de l’indemnité de fonction attribuée aux agents responsables de l’un des emplois fonctionnels d’administration centrale.

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