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L’immigration des cerveaux en Tunisie



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L’immigration constitue un facteur de croissance pour le pays d’accueil et des meilleures perspectives pour les immigrants mais une perte de gain pour le pays d’origine. L’immigration des cerveaux est une tendance mondiale mais dans le pays, cette pratique est encouragée par la révolution tunisienne et la conjoncture économique actuelle. Le point sur l’accélération de cet exode de cerveaux ainsi que ses causes et ses conséquences néfastes pour l’économie.

L’exode des diplômés de haut niveau Tunisiens (médecins, enseignants universitaires et informaticiens) s’aggrave depuis ces dernières années. Ces cerveaux jeunes ou expérimentés ambitionnent de voir de nouveaux horizons afin de toucher des rémunérations plus conséquentes. Leurs compétences sont aussi valorisées à l’étranger alors que dans le pays, ils ont du mal à trouver des conditions de travail plus favorables. Ainsi,selon le chiffre fourni par l’UGTT, due à l’absence de recrutement de médecins au cours des années 2017-2018, on recense un départ de 630 médecins pour l’année 2018. Ce chiffre peut augmenter jusqu’à 900 pour l’année 2019 et peut atteindre 2700 en 2022. Or, le secteur subit déjà l’exode de 1 500 médecins.

Et depuis la révolution de 2011, 95 000 Tunisiens décident de partir ailleurs, dont la majorité en Europe pour des motifs financiers. En 2018, on dénombre ainsi 8 200 cadres supérieurs, 2 300 enseignants-chercheurs, 2 300 ingénieurs, 1 000 médecins et pharmaciens et 450 informaticiens expatriés. Avant 2012 par exemple, le pourcentage des médecins à s’immigrer environne 9 % des effectifs des médecins alors que cette part atteint 45 % en 2017. Les ingénieurs et techniciens font également partie des matières grises tunisiennes qui immigrent à l’étranger. Ils sont constitués notamment par les ingénieurs en informatique et les enseignants universitaires. Ces derniers s’expatrient dans les pays arabes pour enrichir leur CV et avoir des meilleures conditions de travail et de recherche.Quant aux ingénieurs, ils sont ciblés par les chasseurs de tête européens et par les entreprises dans les réseaux sociaux à cause de leur excellente compétence en informatique. L’Ordre des ingénieurs tunisiens a ainsi indiqué un départ de 10 000 ingénieurs depuis 2016. L’Association des Tunisiens des grandes écoles a de son côté, déclaré que le tiers de départ des sortants des grandes écoles est motivé par la quête d’une meilleure perspective d’avenir. L’OTE, quant à elle précise, que les PME tunisiens préfèrent délocaliser au Maroc depuis la révolution tandis que les graphistes et les spécialistes en communication sont accueillis par l’Algérie.

Concernant les motifs de départ pour l’année 2018, 48 % décident de partir pour suivre leurs études, 34 %pour des motifs financiers, 34 %parce que la situation dans le pays ne leur plaît pas, 32 % quant à eux souhaitent vivre une nouvelle expérience tandis que 13 % s’expatrient parce qu’il n’y a aucun poste correspondant à leur qualification en Tunisie.A noter que la part des femmes augmente de plus en plus dans ce flux d’immigrants.

Pour les mineurs et jeunes non diplômés qui prennent la mer illégalement pour quitter le pays et atteindre les côtes d’Italie, les motifs invoqués sont souvent le chômage, la misère et le désespoir dus à la situation économique actuelle. Certains ont des frères ou sœurs en France qui leur envoient des euros et dont leur esprit travaille avec la dépréciation du dinar tunisien et leur perte avec la paie en dinar. Le fait qu’un ingénieur débutant en Europe perçoit 3 000 euros par mois alors qu’en Tunisie, il ne gagne même pas le dixième de ce montant dérange ces talents. Et malgré le coût de la vie plus chère en Europe, ces immigrants calculent que le départ est plus avantageux qu’une carrière d’ingénieur dans le pays. De plus, certains trouvent que leurs compétences sont mal estimées en Tunisie et que les formations sont aussi périmées.

Le départ massif des médecins tunisiens, quant à eux, est motivé par de nombreux facteurs en dehors des conditions salariales. En effet, le faible taux d’encadrement de personnel de l’administration ainsi que la répartition inéquitable de la charge de travail figurent aussi parmi les problématiques de ce secteur. La mauvaise infrastructure des hôpitaux avec la pénurie des médicaments et des équipements médicaux ainsi que l’absence d’une meilleure perspective d’avenir poussent aussi ces compétences à immigrer en Europe.On connaît que les établissements de la santé publique enregistrent un déficit de 700 MD à cause de la dégradation de la situation financière de la caisse sociale. Cette aggravation de la situation financière du secteur public profite également au secteur privé qui propose des salaires plus élevés.Pour les médecins expatriés, ils sont composés notamment des médecins seniors.

Les 95 000 compétences qui s’expatrient depuis 2011 ne sont pas uniquement composés par les ingénieurs, les médecins et les enseignants à l’université. Des juges, des chercheurs scientifiques, des hommes d’affaires et d’autres profils variés décident aussi de résider à l’étranger pour avoir des perspectives d’avenir plus intéressantes.

Pour atténuer l’aggravation de ce phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur, le gouvernement devrait mettre en place de stratégies permettant d’améliorer les conditions salariales tout en alignant le système éducatif avec les besoins du marché. La révision de politique d’immigration des cerveaux et de migration des médecins publics vers le secteur privé peut être aussi une mesure efficace pour assainir ce secteur ainsi que la restructuration des hôpitaux.

Si l’exode de cerveaux profite aux immigrants qui peuvent démarrer la construction de leur maison, acheter une belle voiture, et avoir des papiers et envoyer de l’argent à leur famille, ce phénomène a aussi ses répercussions néfastes sur le pays.

En effet, cette immigration de compétences est source de perte conséquente en matière de budget pour le financement consacré par la Tunisie à chaque étudiant. En effet, le pays dépense environ 5 à 10 000 dinars par étudiant selon la discipline de l’étudiant. Ce qui produirait un cumul des milliards de dinars de budget investisdans l’éducation.D’autre part, même si les Tunisiens sont attachés à leur pays et pensent y revenir si les conditions économiques seront plus prometteuses, peu sont encore ceux qui y retournent effectivement. D’ailleurs, c’est pour attirer cette diaspora tunisienne que le gouvernement d’Youssef Chahed envisage la mise en place d’une stratégie pour attirer les talents tunisiens à l’étranger à contribuer au développement du pays en leur garantissant plus d’avantages lors de la création d’une entreprise. Concernant la possibilité des transferts de fonds, même s’ils contribuent à la croissance économique, il faut que les fonds transférés soient importants pour qu’ils profitent au pays d’origine.

D’autre part, au fil des ans, les immigrants ont aussi tendance à adopter les points de vue des habitants du pays d’accueil, d’autant plus que ces derniers ne restreignent pas les nouvelles entrées des compétences qualifiées. Cette politique est motivée par exemple par la pénurie des médecins en France. En réponse à l’insuffisance croissante des professionnels de santé français, le gouvernement est obligé de favoriser le recrutement des médecins étrangers, quelle que soit leur spécialité.

En conclusion, seule l’amélioration du système économique, éducatif et social du pays permet d’arrêter cette hémorragie de fuite de compétences à l’étranger.

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