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Comment peut-on manifester la culture en Tunisie ?



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Bien avant la révolution, la scène culturelle tunisienne était déjà animée par des artistes engagés qui passent par la censure sous l’ère de Ben Ali. La production culturelle était alors loin d’être autonome et la répression était fréquente. Mais même après la levée de l’embargo culturel du régime de 2011, les artistes et les producteurs agonisent encoreface à d’autres difficultés comme la conjoncture économique, la fermeture des espaces culturels et la frilosité des investisseurs privés. Le point sur le rôle de l’Etat et la situation des artistes et intellectuels.

L’ingérence du politique dans la culture date des années avant la révolution. La culture était enclavée, utilisée par le pouvoir à travers des législations très serrées. Ce mot se réfère d’abord à la création artistique, au théâtre, au cinéma, à la littérature, à la danse… Le ministère de la culture tient le contrôle de cette production culturelle et leur diffusion sur les médias.Ce qui en fait qu’une grande partie de la masse ne disposait pas d’une liberté d’expression. L’ancien régime a tué la culture tunisienne et elle nécessite aujourd’hui une réanimation. On est en effet actuellement dans un pays où il n’y a pas d’industrie cinématographique ni de salles de cinéma et où la production musicale est seulement limitée au folklore. Certes, on a un Cité de culture, des maisons de culture dans toutes les régions du pays, mais l’Etat consacre uniquement pas plus de 10 millions de dinars à ces maisons de culture, qui n’intéressent pas beaucoup d’ailleurs les artistes. Ces derniers se montrent frondeurs ou sceptiques à propos de la réalisation de ce projet.

D’autre part, il ne faut pas occulter aussi quela problématique s’articule également autour de l’incompréhension entre les artistes et la société. Le « peuple » n’arrive pas à trouver leur identité à travers l’œuvre artistique tandis que les artistes trouvent qu’ils sont méconnus du public. Ainsi, faute d’avoir une politique culturelle dynamique étatique, les initiatives du secteur privé dans la création de cafés cultures, de galeries foisonnent un peu partout. A titre d’exemple, le cafeLibert’théoù les jeunes artistes encore peu connus exposent leurs œuvres, ou le café-théâtre de l’Etoile du nord où les artistes se rencontrent. Des projets artistiques comme « des communautés de slameurs» ont d’ailleurs vu le jour dans ces cafés. Après la période Benaliste, ces artistes n’ont plus à surmonter des problèmes de censure étatique, mais des difficultés financières, de manque de statut juridique, de manque de salles couverteset de consommation de stupéfiants. Certains taxent aussi l’état de mettre en place une politique laxiste face aux actions des salafistes qui ont perturbé l’exposition du Palais Abdellia en 2012. A cette époque, beaucoup d’artistes ont fait l’objet de menace de mort et leurs œuvres avaient été détruites.Concernant l’absence du statut juridique de ces espaces culturels, cela impacte sur la lourdeur de paperasse administrative que les propriétaires doivent compléter s’ils souhaitent par exemple ouvrir une bibliothèque consacrée à l’exposition photographique ou une salle de cinéma pour faire de projections…

Ce lieu culturel peut être aussi utilisé pour défendre l’engagement des artistes dans des causes comme les problèmes juvéniles. Par exemple, à l’espace Mad’Art en Carthage où on retrouve les œuvres du peintre AtefMatallah , jeté en prison pendant un mois pour avoir possédé du cannabis. Les œuvres d’un tel artiste ne peuvent pas être exposés dans ce lieu pendant la règle Benaliste.

La Tunisie se démarque par sa multiculturalité et par ses diversités culturelles et religieuses. Cela pourrait constituer un avantage économique pour les entreprises étrangères qui s’implantent dans le sol tunisien mais jusqu’à maintenant, cela ne permet pas le développement du secteur culturel. Il est vrai que l’investissement dans les projets culturels requiert plus de risques que dans d’autres secteurs de l’économie. D’autant plus si la valeur ajoutée de ce secteur est plus conséquente, comme par exemple dans les pays Européens et Américains producteurs de films.

Les problèmes rencontrés par les activités culturelles tunisiennes sont notammentdus à la limitation des moyens de l’Etat, au manque de mécènes et de sponsoring et à la fermeture des espaces cultures. Certes, la loi votée à l’ARP incite au mécénat culturel. Elle est axée sur la réduction de taxe afin de convertir les mécènes en investisseurs potentiels et la hausse des subventions jusqu’à 40 % en 2014. Notons au passage que la plupart des artistes comptent sur ces subventions de ministère. Seulement, cette législation n’a pas porté son fruit car beaucoup d’investisseurs pensent que la rentabilité de ce secteur n’est pas sûre. D’autre part, l’Etat n’a pas augmenté la subvention octroyée à la culture malgré la croissance des espaces culturels. En outre, depuis ces dernières années, des espaces culturels ont fermé aussi leur porte, comme le cas de Mass’art, Radio Chaabi, Bless 7 iss.Radio Chhabi qui dispose d’une salle d’enregistrement et des salles de répétition n’arrive pas à surmonter les contraintes financières et est obligé d’arrêter ses activités. Sa vocation est l’aide aux artistes en herbe avec une production gratuite et la formation aux diverses disciplines artistiques. Il en est de même pour Bless 7iss qui encourageait des nombreux musiciens à produire mais qui n’est plus capable de gérer leurs activités.

Heureusement que tous les espaces culturels ne subissent pas le même sort car il y a ceux qui perdurent toujours malgré la crise économique comme l’Aristo, El Teatro… Ces espaces culturels qui réussissent sont le plus souvent financés par des hommes d’affaires. Le problème relève en fait de la démocratisationet de la valorisation de la culture, une initiative qui revient à l’Etat. D’autant plus que les espaces culturels étatiques servaient d’instruments peu favorables à la création artistique (certains étaient utilisés pour de meeting de parties politiques). Notons par ailleurs que le pays dispose d’un réseau de plus de 700 maisons de culture et bibliothèques réparties dans les gouvernorats.

Les autres problèmes qui minent ce secteur sont l’inadaptation ou l’inaccessibilité du patrimoine culturel aux visiteurs ainsi que le cadre légal qui ralentissent les créatifs dans leur talent. Certes,le parrainage de la BIAT permet de soutenir les initiatives créatives mais ce secteur nécessite le déclenchement de plusieurs leviers pour être productif.

Les artistes ne restent pas bras croisés face à l’insécurité dans le pays. Ils se mobilisent en effet pour faire régner la paix. Ainsi, à la suite de l’assassinat du député Mohamed Brahmi et de l’attentat au Mont Chaabi qui a causé la mort de 8 soldats, ils ont manifesté au siège de l’ANC avec d’autres artistes pour défendre les valeurs républicaines.

D’autres artistes, intellectuels et penseurs ont aussi manifesté leur indignation sur les tentatives de politiciens de mettre en place une transmission du pouvoir par héritage face à la situation économique actuelle. Ils ont dénoncé aussi l’augmentation des prix et la détérioration des conditions de vie des citoyens à cause de l’évasion fiscale atteignant jusqu’à 10 milliards de dinars chaque année.

Pour conclure, la situation délicate du secteur culturel et artistique de la Tunisie nécessite la création d’une nouvelle dynamique et d’une amélioration des équipements et du cadre légal afin que ce secteur soit plus rentable.

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